Dans un récent arrêt de principe, la Cour suprême du Brésil a déclaré un « état de fait inconstitutionnel » dans le système pénitentiaire du pays, citant des « violations massives des droits de l'homme dans les unités carcérales » et l'« incapacité structurelle de l'État à réagir efficacement et à mettre en œuvre des mesures visant à empêcher que cela ne se reproduise ». Cette décision inédite a donné lieu à l'élaboration d'un plan national visant à remédier à la surpopulation carcérale, aux mauvaises conditions dans les centres de détention et aux violations généralisées des droits fondamentaux. Le Conseil national de la justice et le ministère de la Justice et de la Sécurité publique ont publié le premier projet de ce plan, en lançant un appel public aux contributions des organisations de la société civile et des experts indépendants. L'APT a soumis ses contributions et recommandations en réponse à cet appel.
Avec plus de 700 000 personnes incarcérées, le Brésil se classe au troisième rang mondial en termes de population carcérale. Les unités pénitentiaires brésiliennes ont été décrites comme des « donjons médiévaux » par d'anciens ministres de la Justice et font l'objet d'une surveillance constante de la part des principaux organes de défense des droits de l'homme des systèmes universels et interaméricains.
La procédure judiciaire qui a abouti à la décision sur l'état inconstitutionnel des affaires (ADPF N. 347) a conduit à une analyse large et approfondie des politiques pénitentiaires du pays, en abordant la situation dans différents États sur la base des informations recueillies auprès des autorités et des organisations de la société civile sur les conditions de détention et les solutions possibles.
Parmi les résultats immédiats de la décision judiciaire, la Cour suprême a ordonné au gouvernement fédéral d'élaborer un plan d'action dans les six mois pour remédier aux violations flagrantes des droits de l'homme dans les prisons de tout le pays par le biais d'une approche holistique et interinstitutionnelle. Selon la Cour suprême, « un tel état de fait exige l'action coopérative des différentes autorités, institutions et de la communauté pour trouver une solution satisfaisante ».
La première version de ce plan d'action - appelé Pena Justa - a été soumise à une consultation publique visant à recueillir les contributions et les recommandations des organisations de la société civile et des experts indépendants. L'APT y a contribué par des contributions orales et écrites.
Au cours d'une audition publique, l'APT a présenté son point de vue sur six mesures principales axées sur la mise en œuvre effective des obligations internationales relatives aux personnes privées de liberté (y compris le respect de l'OPCAT), les taux d'occupation des prisons, les conditions, les matériaux et la structure, ainsi que les politiques de prévention et de non-répétition :
- Mécanismes de prévention de la torture: Prendre des mesures pour mettre en place une politique publique sur la création et le renforcement des mécanismes de prévention dans les 27 unités fédératives du Brésil, comme l'a récemment recommandé le Comité des Nations unies contre la torture.
- Audiences de contrôle de la détention: Garantir la comparution en personne des détenus devant une autorité judiciaire dans un cadre judiciaire sûr, assurer une attention psychosociale à tous les détenus ; publier des données sur les résultats des audiences de contrôle de la détention, y compris des indicateurs concernant les détentions jugées illégales.
- Double comptage de chaque jour passé dans des conditions de détention éprouvantes: Inclure la réglementation et l'extension de la jurisprudence prévoyant le calcul de la durée de l'emprisonnement « à raison de deux jours par jour de privation effective de liberté dans des conditions dégradantes », afin d'atténuer l'impact des conditions difficiles, conformément aux mesures provisoires émises par la Cour interaméricaine des droits de l'homme et à la jurisprudence brésilienne.
- Racisme structurel: reconnaître et traiter le racisme structurel à l'encontre des Noirs et des indigènes au Brésil en suivant l'approche holistique des politiques de justice transitionnelle.
- Réponse aux allégations de torture et de décès de prisonniers: établir des lignes directrices pour une enquête efficace et la responsabilisation des auteurs et assurer la publication systématique des données sur les cas de torture et de décès en détention. Ces mesures doivent être conformes aux protocoles d'Istanbul et de Minnesota.
- Organes et normes internationaux: s'engager à maintenir des invitations permanentes pour les organes fondés sur des traités et les procédures spéciales des Nations unies et du système interaméricain, et désigner une agence d'État chargée de contrôler le respect des recommandations et décisions des organes internationaux de défense des droits de l'homme.
En outre, l'APT a également souligné la nécessité de fournir les outils et les connaissances nécessaires pour permettre aux juges d'effectuer des inspections mensuelles des prisons, comme l'exige la loi. Une présence plus systématique des autorités judiciaires dans les centres de détention pourrait conduire à une plus grande sensibilisation des acteurs de la justice à la réalité des établissements pénitentiaires et avoir un impact sur la sévérité et la durée des peines prononcées.
Incontestablement, la reconnaissance par la Cour suprême des conditions carcérales illégales au Brésil donne une nouvelle dimension juridique au débat sur les personnes privées de liberté et ouvre la voie à des changements essentiels dans les pratiques de la justice pénale. En attendant la version finale du Plan national - qui doit encore être publiée et approuvée par la Cour suprême - nous espérons que ses lignes directrices seront prises au sérieux par les autorités locales et deviendront une feuille de route efficace pour aborder et remodeler la réalité profondément troublée qui affecte le système pénitentiaire du pays.