En ces jours de commémoration, beaucoup sera dit et écrit sur les attentats du 11 septembre 2001, la ‘guerre contre le terrorisme’ qui a suivi et leurs conséquences. Il faut aussi se pencher sur certains effets plus sombres et plus pernicieux à long terme. Ainsi, la torture s’est banalisée au cours de ces 20 dernières années, alors même qu’elle est interdite de façon absolue et en tout temps pour tous les Etats.
On sait que la CIA a développé un véritable programme de torture, qui impliquait des enlèvements, des détentions et des vols secrets jusqu’à la base de Guantanamo. Celle-ci est devenue le triste symbole de ce programme. Sous le nom de ‘méthodes d’interrogatoires renforcées’, la torture a été pratiquée, notamment le ‘waterboarding’. En 2014, l’ampleur des violations des Conventions de Genève et des droits humains a été pu être rendue publique grâce au rapport de la Commission de renseignements du Sénat (malgré les nombreux paragraphes biffés).
Ce programme a non seulement brisé à jamais les victimes, leurs familles, ainsi que les tortionnaires, mais il a aussi sapé les fondements de l’Etat de droit. La torture niée au départ sous une terminologie alambiquée, a peu à peu été assumée comme un ‘mal nécessaire’ pour lutter contre le terrorisme et garantir la sécurité. Plus grave encore, elle a ouvert la voie à d’autres. Non seulement la torture est utilisée, mais elle est revendiquée. ‘I love waterboarding’ a clamé l’ancien Président. D’autres Présidents dont Bolsonaro au Brésil et Duterte aux Philippines ont suivi. Il n’y a plus de tabou.
Les films et séries télévisées comme 24h chrono ont renforcé ce discours qui a fini par passer dans l’opinion publique. Des sondages montrent qu’un nombre croissant de personnes pense que la torture est parfois nécessaire. Mais comme l’a dit Camus ‘Si la fin justifie les moyens, qui justifie la fin’?
Il est temps de réaffirmer l’interdit absolu de la torture. La levée du secret défense entourant le programme de la CIA, la fermeture de Guantanamo et une mise en cause des responsables sont des premiers pas nécessaires en ce sens. Il faut aussi montrer que la lutte contre le terrorisme est plus efficace si les interrogatoires sont remplacés par des méthodes alternatives qui permettent d’obtenir des renseignements exacts et fiables. Enfin, il faut redire que la torture est un poison. Les voix des victimes, de leurs familles, de la société civile, des journalistes, des jeunes, des artistes et autres doit être entendue. La torture ne peut être banalisée. Nous voulons vivre dans des sociétés où la torture est interdite. Toujours.
Cet article a été publié par Le Temps.